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Martial Kadji Ngassam, Enseignant-chercheur, ESSEC de Douala

E-learning à l’ère post-COVID-19: acquis et défis pour les universités camerounaise, gabonaise et tchadienne

Jeune femme noire utilisant l'ordinateur portatif. Photo Getty Images

La période de confinement forcée dû à la crise du Covid-19 et la nécessité de maintenir une politique d’éducation nationale ont fait naître l’espoir de voir le e-learning – enseignement à distance – se développer et s’imposer en Afrique. Longtemps en retard dans le déploiement de cette forme d’enseignement, les pays d’Afrique subsaharienne ont dû, dans les conditions imposées et exceptionnelles, mettre en application les injonctions des décideurs publics à maintenir l’enseignement tout en respectant les mesures barrières.

Deux ans après, il est opportun de faire un retour d’expérience sur la pratique du e-learning pendant et après le confinement afin d’analyser les acquis et les défis qui restent à relever dans un contexte mondial de crise qui dure et s’étend.

Qu’est-ce que le e-learning ?

Pendant la période du confinement, on a vu se développer en Afrique des formes d’enseignement à distance telles que les cours sur les chaînes de TV, de radio, l’envoi des supports de cours physiques ou sur supports clés USB aux apprenants, l’usage des forums WhatsApp, Facebook, etc.

Les spécialistes de la pratique du e-learning s’accordent à le présenter comme une utilisation systématique de la technologie multimédia dans le but de fournir une autonomie dans l’accès aux ressources et l’apprentissage. La formation dans ce cadre doit donc s’appuyer principalement sur les outils TIC.

Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2022, les technologies numériques offrent de nombreuses opportunités de développement de l’éducation.

Conditions de succès du e-learning

Dans le cadre d’un travail de recherche réalisé pendant le confinement dû à la crise du Covid-19 et qui s’est poursuivi jusqu’à nos jours, nous avons eu l’occasion d’observer et d’analyser les stratégies de déploiement du e-learning au Cameroun, au Gabon et au Tchad.

Face aux injonctions des décideurs publics, apprenants et formateurs se sont prêtés au jeu, faute d’autres alternatives. L’un de nos interviewés, étudiant au Tchad affirme à cet égard :

On l’a fait car on était obligé. C’était difficile, mais on n’avait pas le choix.

Malheureusement après le confinement, vu les difficultés de mise en œuvre tant chez les enseignants que chez les apprenants, plusieurs leçons réalisées en e-learning ont été refaites en présentiel.

Une enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA 2018) pointait déjà la faiblesse des dispositifs et de la culture de l’enseignement à distance dans les pays d’Afrique. S’appuyant sur cette enquête, un rapport de la Banque mondiale ajoute en 2020 :

Si le recours aux plateformes numériques et outils technologiques dédiés à l’éducation (EdTech) semble pouvoir minimiser les énormes pertes d’apprentissage, surtout chez les élèves vulnérables, il risque dans le même temps de creuser encore davantage les inégalités.

Quelles solutions pour pérenniser le e-learning?

Les inégalités sociales, économiques, culturelles et de genre qui existaient déjà dans le contexte africain ont été amplifiées et ont compliqué la réussite des projets de e-learning. Pour pallier ces problèmes, notre étude suggère :

• La sensibilisation de l’entourage

Les enseignements en e-learning se font généralement au domicile des apprenants. Notre étude montre que ces derniers sont sollicités, perturbés en permanence pendant leurs cours et ne bénéficient pas toujours des moyens nécessaires de la part des parents (forfait internet, smartphone et/ou ordinateur). Il est donc nécessaire de sensibiliser les familles et l’entourage des apprenants en situation d’e-learning. Un étudiant tchadien affirme à cet effet :

Nous avons souhaité qu’une notice ou lettre d’information officielle soit envoyée aux parents pour les informer sur les principes et le sérieux des cours en e-learning et présenter le minimum de matériel et connexion internet à avoir.

• Des solutions et plateformes adaptées aux réalités africaines

Les difficultés rencontrées dans le cadre du e-learning en Afrique centrale sont aussi liées à la non adéquation des plateformes utilisées aux réalités locales. Elles sont parfois payantes, avec des caractéristiques mal adaptées pour fonctionner de façon optimale dans l’environnement technologique africain. L’une des solutions serait l’utilisation d’une des nombreuses offres de plateformes e-learning en libre-accès et sans licence commerciale qui existent. Elles ont pour avantage, au-delà de la gratuité, d’être compatibles avec les contraintes de consommation d’énergie et de connexion internet propres aux pays africains. C'est dans ce sens qu'un étudiant Gabonais affirme:

nos téléphones et ordinateurs semblaient se décharger plus rapidement que d'habitude. Il faut des plateformes qui consomment moins d'énergie, car au Gabon, nous avons beaucoup de coupures d'électricité.

• Adapter les dispositifs aux réalités socio-culturelles de la jeune fille

Notre étude montre que les étudiantes sont moins assidues et moins concentrées lors des cours programmés en e-learning du fait des travaux domestiques et des sollicitations de la famille. L’une d’elles de nationalité camerounaise témoigne :

Les enseignants ne comprennent pas que je suis une fille. Comme je suis en confinement, à la maison mes parents m’obligent à aller faire les achats au marché et à faire la cuisine. Je ne peux pas suivre les cours du matin.

Il faut donc adapter le dispositif à ces contraintes de genre. Cela peut passer par la sensibilisation des parents, l’adaptation des horaires des cours (notamment en fixant les cours tôt le matin ou dans l’après-midi), et l’enregistrement systématique des enseignements sur les plateformes pour en permettre un accès différé.

• Maintenir une politique d’accompagnement et d’injonction au e-learning

Notre étude montre aussi qu’en l’absence d’obligations étatiques, les établissements d’enseignement confrontés aux difficultés et résistances des parties prenantes (apprenants et formateurs) ont pour la plupart abandonné toute démarche d’e-learning. Or, comme on peut le constater, avec l’instabilité actuelle de l’environnement mondial, les crises ayant tendance à se multiplier et à perdurer, il est indispensable de poursuivre la pratique du e-learning.

Cela ne peut passer que par le soutien des États sous forme de dotations aux établissements, subventions pour l’acquisition du matériel aux étudiants et enseignants, développement des infrastructures internet haut débit et baisse des coûts de connexion très élevés en Afrique. Un quota de cours en e-learning en période de non confinement doit être imposé (enseignements hybrides) afin d’être dans un processus d’expérimentation et d’ajustement permanent.

The Conversation

Martial Kadji Ngassam does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

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