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Canadian Time Machine: Of fugitives and orators: The characters behind the RCMP’s complicated history

Listen to the episode:


Archival audio – CBC Radio – Alfred King
Il avait été décidé que je devais quitter. On lui reproche d’avoir interféré avec les terrains de trappage des Autochtones et, ainsi, de les avoir menacés. Et donc, le jour après Noël, j’ai quitté avec un guide autochtone et je suis allé à la cabane de Mad Trapper sur la rivière Rat.

Angela Misri: La voix que vous venez d’entendre est celle d’Alfred Kin, un agent de la GRC en poste à Aklavik, dans les Territoires du Nord-Ouest en 1931. Et à quel jour faisait-il référence? C’est tout simplement le début de ce qui aura été l’une des plus grandes poursuites dans l’histoire de la GRC qui aura duré plus de 49 jours et qui se fera sur plus de 200 kilomètres à des températures oscillant autour de -40 degrés… dans le but de capturer un fugitif qu’on appelle – à ce jour – “le trappeur fou”. Bienvenue dans notre deuxième saison de Voyages dans l’histoire canadienne, un balado qui retrace les grands jalons de l’histoire canadienne. Ce balado est financé par le gouvernement du Canada et est créé par The Walrus Lab. Je m’appelle Angela Misri.

Dans cet épisode, nous parlerons de la Gendarmerie royale du Canada en l’honneur de leur 150e anniversaire qui a eu lieu en mai 2023. Maintenant, il y a plusieurs controverses entourant la GRC – et nous aborderons certaines d’entre elles – mais, tout d’abord, retournons au Trappeur fou… Les habitants locaux croyaient qu’il s’appelait Albert Johnson. Johnson vivait dans une petite cabane qu’il avait lui-même construite sur les abords de la rivière Rat. On sait très peu de choses sur lui, y compris son vrai nom.

Assez tôt, toutefois, on lui avait accordé le surnom du Trappeur fou. En partie parce qu’il était accusé d’avoir trafiqué des pièges posés par des populations autochtones locales et en partie à cause de ce qui s’est passé lorsque la GRC a tenté de le confronter à ce sujet. Après avoir tenté de lui parler une première fois, le 31 décembre, une équipe d’agents de la GRC s’est à nouveau rendue à la cabane de Johnson… mais cette fois-ci en annonçant qu’ils avaient obtenu un mandat de perquisition. L’un des agents de la GRC était Albert King.

Archive sonore – CBC Radio – Alfred King
Je suis allé à la porte de la cabane. J’ai effectué deux rappels, j’ai interpellé l’homme et j’ai dit à Johnson qui j’étais, et il a tiré avec son fusil et m’a touché dans la partie inférieure de la poitrine.

Angela Misri: King a survécu au tir… mais au fur et à mesure que la chasse à l’homme avançait, la GRC fut confrontée à davantage de violence provenant de ce trappeur mystère. On se retrouve maintenant à la mi-janvier 1932 dans un froid intense à plus de -40 degrés. Un détachement de neuf hommes et de 42 chiens se dirige vers la cabane de Johnson. L’inspecteur de la GRC, Alexander Eames, et le guide des Premières Nations, Charlie Rat, font partie du détachement qui commence à encercler la cabane de fortune en exigeant qu’il se rende. Ils sont loin de se douter que la cabane a été fortifiée par Johnson et que ce dernier tirerait avec son fusil de chasse sur le détachement.

Archival audio – Mad Trapper Exhibit – Narrator
La férocité de l’attaque de Johnson depuis sa petite forteresse à moitié brûlée que même les rangs renforcés de l’équipe d’assaut n’ont pu le déloger. Il a été décidé de dynamiter la rivière Rat depuis sa maison. Le diable lui-même avait signé un pacte avec Albert Johnson…

Angela Misri: Johnson a survécu à l’explosion… et aussitôt, la GRC a été forcée de retourner en ville pour se réapprovisionner en stock. Par le temps qu’ils reviennent, Johnson avait disparu. Une tempête s’est abattue dans la région et a complètement effacé ses traces dans la neige. Au cours des semaines qui ont suivi, plusieurs agents et trappeurs autochtones ont effectué des recherches pour trouver Johnson dans le vaste territoire entre la rivière Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest et les montagnes Richardson au Yukon.

À ce moment, Johnson avait alors tiré fatalement un agent de la GRC et avait blessé un sergent. Lorsque les recherches commençaient à leur sembler insurmontables, l’inspecteur Eames [Eemz] – qui faisait partie du détachement de départ – a décidé de faire quelque chose que la GRC n’avait jamais fait auparavant, soit d’utiliser un avion pour aider à retrouver la trace du fugitif. C’est avec l’aide du pilote de brousse Wilfred May que l’équipe a finalement pu retrouver Johnson, qui commençait à traverser les montagnes. La poursuite s’est terminée le 17 février 1932 avec un affrontement dramatique sur la rivière Eagle, dans le nord du Yukon. Johnson est décédé au milieu des tirs, après avoir refusé de se rendre. Aujourd’hui encore, sa véritable identité demeure un mystère.

Angela Misri: 92 ans se sont écoulés depuis que le trappeur fou s’est finalement fait attraper et plus de 150 années se sont écoulées depuis la création de la GRC… faisant de la police une institution presque aussi vieille que le Dominion du Canada. Pour certains, la mention de la GRC peut évoquer des sentiments d’héroïsme. À ce jour, par exemple, le gendarme qui a été tué par le Trappeur fou, Edgar Millen, a une plaque dédiée à son service effectué pour la recherche du fugitif. Une exposition sur le Trappeur fou se déroule actuellement au Centre du patrimoine de la GRC à Regina. Mais certaines personnes peuvent avoir une relation plus difficile avec la police nationale. Pour de nombreux peuples autochtones, la GRC peut rappeler les pensionnats ou les cas de sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Pour Sam Karikas, chef des opérations du Centre du patrimoine de la GRC, il est tout aussi important de parler des aspects plus sombres et douloureux du passé de la GRC que de célébrer les actes d’héroïsme… car ils sont tous intimement liés à l’histoire du Canada.

Sam Karikas: L’histoire de la GRC fait partie de l’histoire canadienne. On peut être fiers de plusieurs des chapitres qui ont constitué l’histoire de la GRC au cours des 150 dernières années. Alors qu’il existe aussi d’autres chapitres plus complexes et empreints de moments douloureux. Et l’histoire de notre pays est constituée d’éléments tels que les règlements, le colonialisme, qui ont un impact générationnel et intergénérationnel. Cela ajoute à la complexité de ce que nous ressentons lorsque nous jetons un regard à notre passé. Vous savez, c’est un problème auquel nous devons tous faire face et ce n’est pas seulement la GRC en tant qu’institution, mais le gouvernement fédéral dont les lois et les politiques sont appliquées.

Angela Misri: Le Centre du patrimoine de la GRC est un organisme sans but lucratif dont le mandat est de partager l’histoire de la GRC, à travers des expositions ou d’autres types de programmation.

Sam Karikas: Les visiteurs du Centre du patrimoine auront l’occasion d’apprendre sur l’histoire de la GRC, à partir de la création de la Police à cheval du Nord-Ouest et au fil de l’histoire du Canada. On y retrouve aussi des informations sur la diversité de rôles que l’on pouvait y occuper ou sur les types de carrières qui y étaient possibles. Par exemple, vous pouvez vous spécialiser en tant que membre d’une équipe d’urgence, qui est une équipe très spécialisée. Vous pouvez vous spécialiser en sciences et technologies dans une compétence judiciaire. L’autre élément est lorsque les visiteurs viennent nous visiter, ils sont invités à participer à notre programmation. Donc, notre programmation raconte un peu toutes les autres histoires qui ne sont pas dans nos galeries conventionnelles et tous les apprentissages et les discussions autour de nos défis actuels, comment nous mettons en contexte le passé avec la réalité d’aujourd’hui.

Angela Misri: Sam et ses collègues du Centre du patrimoine espèrent pouvoir poursuivre le dialogue sur toute une série de questions alors qu’ils travaillent très fort afin de devenir un musée national.

Sam Karikas: En tant que musée et travaillant à en devenir un de calibre national, je crois que c’est exactement où nous pouvons et où nous devrions avoir ces conversations. Et la plupart des gens nous ont dit qu’ils voulaient un endroit pour explorer ces aspects de notre histoire et pour avoir ces discussions. Donc, vous savez, nous pouvons faire cohabiter les deux en même temps. Nous pouvons honorer le sacrifice et le service et célébrer un service de politique unique tel que la GRC qui est un service de police reconnu mondialement, tout en reconnaissant les effets néfastes des politiques coloniales et des problèmes de société tels que les préjugés, le racisme, etc. Dans une situation idéale, vous savez, alors que nous poursuivons notre processus de guérison collective, j’espère vraiment qu’il y a de l’espace pour vivre les deux. Et je crois que c’est vraiment un espace propice pour nous permettre d’explorer cette portion très complexe de l’histoire du Canada.

Angela Misri: Merci beaucoup, Sam Karikas de nous avoir présenté le Centre du patrimoine de la GRC. J’aimerais maintenant inviter Jean Teiller à notre émission. Mme Teillet est une avocate métis nouvellement retraitée, une autrice et une conférencière, spécialisée dans le droit, la justice et l’identité des Autochtones. Elle est également l’arrière-petite-nièce de Louis Riel. Mme Teillet nous rejoint depuis Vancouver. Bienvenue, Mme Teillet.

Jean Teillet: Oh, merci!

Angela Misri: J’aimerais débuter en reconnaissant votre propre connexion intergénérationnelle avec la GRC. Votre arrière-grand-oncle, Louis Riel, a été pendu à la caserne de la Police à cheval du Nord-Ouest à Regina en 1885. Pour les auditeurs qui ne connaissent pas le legs de Louis Riel, pouvez-vous nous parler de son mouvement de résistance et de la réaction de la GRC?

Jean Teillet: En fait, Riel a mené deux mouvements de résistance. Le premier s’est déroulé en 1869-70 dans le Red River, qui est aujourd’hui le Manitoba. Le but était d’amener l’ouest du Canada, qui représente les deux tiers du Canada actuel, il s’agit de tous les Territoires du Nord-Ouest, donc toutes les provinces des Prairies, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Yukon, le nord du Québec, tout, le nord de l’Ontario, tous ont intégré le Canada en même temps. Riel s’opposait plus ou moins à l’idée que le Canada ait un plan pour s’emparer de tout ce territoire sans tenir compte de ses habitants. Il s’agissait donc d’un mouvement de résistance envers le droit de négocier son adhésion au Canada, un vaste territoire peuplé de nombreux habitants.

Donc, ceci était le premier mouvement de résistance. Cela se déroule avant la fondation de la GRC. La GRC a été créée, je cours que c’est en 1874, peut-être en 1873, mais quelque part entre ces deux dates. Donc, c’est plusieurs années après. Donc, la deuxième résistance de Riel s’est déroulée en 1885 en Saskatchewan. Une résistance se déroulait en parallèle chez les Premières Nations. Je crois qu’il est très important de comprendre qu’il y avait une résistance chez les deux groupes contre l’autorité du Canada et ce qui leur arrivait. Toutefois, ils étaient dans des situations totalement différentes et ils ne travaillaient pas ensemble. Donc, je crois que c’est très important de le comprendre. À l’époque, la police montée, ou ce que l’on appelait alors la Police à cheval du Nord-Ouest, fut créée. À ce moment, leur principale mission était de maintenir l’ordre au sein des populations autochtones.

Ils croyaient presque que c’était ça leur unique rôle. Et la réalité de l’époque était que la GRC jouait un rôle, hum, vous savez, aucune histoire n’est simple. Donc, il y a de bonnes personnes issues de la GRC qui étaient très conscientes de ce qui se passait et de la gravité de la situation et qui osaient en parler. Donc, en particulier, le Dr John Kitson était médecin pour la Police montée du Nord-Ouest. Il était, je crois, je pense que c’était de l’indignation, c’est la seule façon de décrire à quel point il était en colère parce que le Canada affamait les Premières Nations dans les réserves de la Saskatchewan et que la GRC veillait à l’application de cette politique qui affamait ces derniers.

Il en parlait beaucoup. L’un des pans très bouleversants de l’histoire de la GRC demeure lorsqu’ils ont dû exécuter les ordres de maintenir les Premières Nations dans les réserves, affamées, et d’abattre les Métis par tous les moyens possibles. En 1884, les gens commençaient à croire que Louis Riel était en quelque sorte un monstre venu d’ailleurs, qu’il était super puissant, vous savez, rien n’est plus faux. Il était seulement un puissant orateur.

Angela Misri: Hmm. Hmm. C’est une drôle de coïncidence, j’ai fréquenté le Louis Riel Junior High à Calgary. Mais ce qu’on nous a appris, et ceci se déroulait dans les années 80, évidemment, c’est qu’il était le leader. Mais vous me dites qu’il avait de très bonnes capacités comme orateur, savez-vous pourquoi la GRC et plusieurs autres le ciblaient comme la cause du problème?

Jean Teillet: En quelques mots, il est plus facile de blâmer un seul homme pour tout parce que cela vous permet de faire fi des problèmes systématiques auxquels il est en train de résister. C’est ce qui est arrivé. Donc, l’église est vraiment, je parle de l’Église catholique et de l’Église protestante, mais l’Église catholique était vraiment investie pour éliminer Riel. En partie, parce qu’il parlait contre eux. Et donc, Macdonald. Sir John A. Macdonald considérait Louis Riel comme l’une de ses principales sources de problèmes depuis 15 ans.

Je pense que c’est plus facile de dire ça, vous savez. Mais Riel n’était point le seul en son genre. Gabriel Dumont était d’une grande force dans le mouvement, en particulier en Saskatchewan. Il était un excellent leader. Mais il n’était pas capable d’influencer un public ni de parler avec aisance ou de parler au gouvernement ni de parler le langage du gouvernement ni le langage de l’Ouest. En contrepartie, Riel parlait avec aisance avec un bon vocabulaire et avait une très bonne éducation. Nous devons nous rappeler aussi le fait que Riel relevait presque de la légende à ce moment.

Il n’était pas le même qu’il était en 1870. Il avait toujours été très religieux, mais il vivait maintenant dans un monde où le monde de l’esprit et de la religion était bien plus important pour lui. Donc, il évoluait dans cet univers et il essayait d’être le porte-parole du peuple. Donc, il y avait Patrice Fleury qui était l’un des genres de leader, Gabriel Dumont.

Angela Misri: Est-ce que votre lien avec Louis Riel a influencé votre décision de devenir avocate et de lutter pour les droits autochtones à travers le pays?

Jean Teillet: Oui, je pense que cela a exercé une influence sur ma vie entière. J’ai grandi en étant très fière de faire partie de la famille Riel. Mon père et les frères et sœurs de mon père, donc c’est la mère de mon père qui était Sara Riel, ils ont été élevés en étant très fiers d’être des Riel et ils nous ont transmis cette fierté. Je veux dire que nous avions des papiers de Riel que mes frères et moi apportions à l’école pour les montrer et en parler lorsque nous étions de jeunes enfants, non?

Donc, nous en étions vraiment fiers et aussi très conscients que notre compréhension de l’histoire n’était pas ce qui était enseigné dans les écoles et n’était pas ce que tous les autres connaissaient comme histoire canadienne. Donc, oui, cela a influencé ma décision de poursuivre sur la voie des droits autochtones et c’est ce que j’ai fait tout au long de ma carrière, j’ai beaucoup travaillé pour les Premières Nations, en particulier dans la négociation des traités. Au début de ma carrière, une grosse partie de mon travail aura été à propos des droits des Métis et ce choix a été grandement influencé par ma famille et ce désir de faire comprendre aux Canadiens que ce qu’ils connaissent de leur histoire n’est qu’une partie de cette dernière.

Angela Misri: Nous venons tout juste de parler à Sam Karikas, qui est chef des opérations au Centre du patrimoine de la GRC, en ce qui a trait à l’importance d’avoir un discours à l’échelle nationale autour du sombre côté de l’histoire de la GRC. J’aimerais avoir votre avis sur l’extrait sonore suivant. Écoutez bien.

Sam Karikas: Ce qu’on veut est de créer cet espace qui permet d’entamer des dialogues. Nous souhaitons être cet espace où nous avons cette conversation. Un très bon exemple est les pensionnats. Le sujet des pensionnats en est un que tous les Canadiens devraient connaître et pour lequel ils ont besoin d’un espace pour en discuter ou plutôt de plusieurs espaces.

Et quand tu regardes la vérité et la réconciliation, dans son entièreté, ce concept, c’est la responsabilité et l’obligation de chaque organisation au Canada de voir comment pour voir comment ils vivent ces appels à l’action. Et donc, de notre point de vue, spécialement provenant d’un musée qui aspire à devenir un musée national, il y a une histoire particulière de notre pays, le Canada, du rôle que la GRC a joué comme agents de fonctionnaires chargés de faire respecter les règlements dans le système des pensionnats. Nous souhaitons refléter ces histoires et permettre aux personnes de venir ici en sachant qu’ils peuvent apprendre cette partie de l’histoire du Canada.

Angela Misri: Mme Teillet, que pensez-vous de ce que vous venez d’entendre?

Jean Teillet: C’est très intéressant, cette idée qu’ils veulent changer la façon dont les Canadiens voient la chose. Je me souviens d’un incident dans lequel j’ai été impliquée. C’était vers la fin des années 90 à Toronto. À cette époque, le musée de la GRC était occupé à faire circuler ses artefacts, non pas avec le genre de message que nous venons d’écouter, mais avec un message sensiblement différent: regardez, c’est ce que nous avons fait et nous en sommes très fiers. L’une des choses qu’ils présentaient était le nœud coulant qui a servi à pendre Louis Riel. Il était présenté à Casa Loma à Toronto. Donc, ceci, c’est une tout autre histoire. Et même si, je suppose que la GRC aurait célébré son 100e anniversaire en 1974, mais que ça aurait pu être leur 150e anniversaire. Ils ont publié un petit livret et le livret ressemblait à un petit livret de dessins animés, je crois, qui semblait destiné aux enfants. Il contenait peu de mots, mais de grosses images colorées, des dessins. L’un d’entre eux vous permettait de comprendre, vous savez, que leur travail consistait à empêcher Louis Riel de fonder son propre pays.

Angela Misri: Wow.

Jean Teillet: Et toute cette idée est tout simplement ridicule. Donc, je pense que c’est très intéressant qu’ils disent qu’ils désirent maintenant explorer les parties plus sombres de leur histoire. Ce n’est pas seulement ce qu’ils ont fait. C’est ce qu’ils continuent de faire par le biais de ce dialogue. Donc, vous savez, j’adore les musées. Je suis sur le conseil d’administration du musée Glenbow et j’adore y travailler. Ils détiennent de vastes archives sur lesquelles je me suis appuyée lorsque j’écrivais mon livre The Northwest is Our Mother [Le Nord-Ouest est notre mère]. Ils ont de vastes archives et beaucoup de matériel très important et je crois que c’est important de sauver ça. Le musée de la GRC me semble différent. C’est… Vous savez, à la lumière des rapports produits récemment selon lesquels la GRC est profondément misogyne et que je crois absolument. Laissez-moi simplement vous raconter une des histoires que j’ai découvertes lorsque j’écrivais mon livre. C’était en 1871 et la terreur régnait au Manitoba.

Cela se déroule avant la création de la police montée du Nord-Ouest. Cela a duré pendant plus de deux ans et demi. On a même retrouvé à la une du New York Times le règne militaire de la terreur qui se déroulait à Red River. Il y avait des incendies criminels, des viols et des meurtres, environ neuf meurtres. Il y a eu des cambriolages qui étaient juste pour semer la terreur. Et, donc, l’une des choses qui est arrivée est le viol collectif d’une jeune fille de 16 ans appelée Lorette Goulet par des soldats. Lorsque les Métis sont allés voir Colonel Jarvis, il a dit que ce n’était pas, je le cite, ce n’était pas de ses « affaires » ce que ses soldats avaient commis sous sa gouverne, non? Donc, «pas de ses affaires» si ses soldats ont violé une jeune fille collectivement.

Donc, ça vous donne un aperçu de comment la misogynie et le racisme sont profondément ancrés dans l’ADN de la GRC. Dès le début, ils ont été intégrés dans chaque élément de ce service de police. Donc, avec cette idée qu’il y a un musée qui souhaite explorer ça maintenant, je me demande s’ils sont capables de l’adresser ou non ou si c’est une discussion qui devrait avoir lieu ailleurs, à l’externe, parce qu’ils n’auraient pas, vous savez, ce serait vraiment, vraiment, vraiment difficile pour eux de faire un réel exercice de conscience de l’origine de leur histoire dans un tel contexte.

Angela Misri: On est actuellement en train d’étudier le traitement des peuples autochtones par la GRC, sous plusieurs angles. Au printemps dernier, la Colombie-Britannique a ordonné une enquête sur les allégations d’agressions sexuelles commises par des agents de la GRC à Prince George sur de jeunes filles autochtones. Comme vous savez, un recours collectif contre le gouvernement fédéral est en cours. Cette dernière allègue que les peuples autochtones sont régulièrement agressés par des agents de la GRC au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut en raison de leur origine raciale. Pouvez-vous nous en dire un plus sur ce procès et sur ce qu’il pourrait signifier pour l’avenir de la GRC?

Jean Teillet: Je ne peux pas parler en détail de ce procès. Je n’ai absolument aucune information à propos de ce dernier, mis à part que le fait que la GRC soit accusée d’agression sexuelle, envers les femmes et les filles autochtones, est une histoire qui date d’il y a très, très longtemps. Et c’est l’histoire de Lorette Goulet dont je vous ai parlé. Il y a quelques années, il y avait cette histoire qui se déroulait à Val-d’Or au Québec, à propos de femmes qui ont osé dire tout haut qu’elles étaient agressées et emmenées en voiture par des agents de la GRC dans le nord du Québec. Je veux dire, c’est une histoire qu’on entend encore et encore, à travers le Canada et à travers l’histoire de la GRC. Et elle n’est jamais vraiment partie. Et je crois qu’il s’agit d’un gros problème avec la GRC.

Et je dirais que ce que nous avons, ce sont de nombreux hommes à qui on délègue un pouvoir presque absolu dans de petites communautés plutôt éloignées et ils ont ce sentiment qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils désirent avec les femmes et les filles qui s’y retrouvent. Et ils le font. Et ils ne sont pas suffisamment surveillés en premier lieu. En deuxième lieu, leur formation les conditionne à la brutalité et à un sentiment comme si tout leur était dû, comme si c’était dans leur bon droit. Et c’est pourquoi vous entendez plusieurs peuples autochtones vouloir leur propre police. Nous ne voulons pas de vos hommes qui ne font qu’agresser nos femmes et nos filles et qui n’exercent aucune influence positive pour notre communauté. Finalement, leur influence rend les choses pires qu’elles ne le sont. Donc, je pense que ce que nous entendons un peu partout est que les forces de l’ordre sont un problème à l’heure actuelle.
Elles ont besoin d’être revues et, en mon sens, je crois que la police doit être revue. Nous avons besoin de nous éloigner du fait qu’elle est presque entièrement constituée d’hommes. Je crois que les rapports qui ont été rendus sur, sur la GRC, sont tout à fait exacts. C’est inscrit dans sa culture et cela ne, cela ne peut pas, et c’est inscrit dans le dernier rapport, c’est qu’elle ne peut pas changer par elle-même uniquement. De mon point de vue, elle doit être démantelée et être créée en tant que nouvelle institution.

Angela Misri: Ouais, je ne crois pas que vous soyez la seule personne qui pense ainsi.

Jean Teillet: Ouais, je crois que vous avez raison.

Angela Misri: Juste pour votre cerveau juridique, parce que je n’en ai pas un, qu’est-ce qu’une action collective? Quelle est la différence entre cette dernière et un procès ordinaire?

Jean Teillet: Certainement. Une poursuite régulière est normalement intentée par un individu. Cela serait le cas de la situation dont nous parlons actuellement. Ce serait le cas d’une femme qui dirait qu’un certain agent de la police ou ces agents de la police ont agressé ma fille ou moi. Ce serait cette femme contre eux. Lorsqu’il est question de recours collectifs, il s’agit de tentatives visant à mettre en évidence le fait qu’il s’agit d’une pratique largement répandue chez de nombreux agents dans de nombreux endroits. Il y a donc, plusieurs, plusieurs plaignants et plaignantes. L’accusation est qu’il y en a tellement qu’ils ne peuvent rapporter tous les cas individuellement. Donc, la meilleure façon de s’attaquer au problème est de le faire au niveau du système et non, de s’attaquer au cas individuel d’un agent. C’est en fait ça le problème, la GRC semble traiter ce genre d’évènement comme une situation isolée en se disant, oh, nous avons une mauvaise pomme dans la force policière, quand en fait, il semble que ce soit l’ensemble qui pense de la même façon. Il y a cette croyance qu’ils peuvent agir impunément de façon violente et dangereuse à l’encontre des femmes et des filles autochtones et s’en sortir indemnes. Le fait est qu’ils ont raison de penser ainsi. Ils s’en sont toujours sortis sans problème.

Angela Misri: En effet. Merci de m’avoir accordé votre temps, Mme Teillet. Je vous en suis très reconnaissante.

Jean Teillet: Ouais, ça a terminé sur une mauvaise note, non?

Angela Misri: Je sais. Je veux vous poser une question sur votre retraite encore, simplement pour terminer sur une bonne note.

Jean Teillet: Vous savez, je veux juste revenir sur l’une des bonnes choses qu’on a du Dr Kitson et il a écrit, de Kitson à McLeod, McLeod était le chef de la GRC, le 1er juillet 1880. OK, le rapport du Dr Kitson dans la Bibliothèque et Archives Canada. Donc, la citation que je vous mentionnerai se retrouve à la page 2 du rapport. Ce qu’il a dit qu’il… donc c’était, ils parlent du fait que les Cris, dont on parle en majorité, mais aussi les Cris et les Ojibwés et les Pieds-Noirs, qui ont été entassés dans des réserves en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba, étaient littéralement affamés. Et Gabriel Dumont avait déjà écrit une lettre dans laquelle il décrivait à quel point il était outré qu’ils soient affamés et que les Métis les nourrissaient.

Donc, les Métis allaient chasser et fournissaient de la nourriture aux Indiens sur les réserves parce que les Indiens n’étaient pas autorisés à quitter la réserve. Et, dans certains cas, des agents de la GRC formaient littéralement un cercle autour de la réserve pour empêcher les gens de partir. Et, donc, en 1884, Dr John Kitson, le docteur de la Police montée du Nord-Ouest a déclaré que la ration journalière minimale pour un homme avec une relativement bonne santé et une vie active devait être d’une livre de viande, de 0,2 livre de pain, de 0,25 livre de gras ou de beurre. La ration journalière des Premières Nations était de 0,5 livre de viande, de 0,5 livre de farine, ce qui, selon les estimations de Dr Kitson, était visiblement insuffisant. Ce qu’il disait était que les peuples des Premières Nations recevaient moins de la moitié des rations qu’on donnait aux prisonniers d’État de la Sibérie. Et Macdonald, la réponse du premier ministre Macdonald était que les Indiens seront toujours mécontents et je le cite.Et sa réponse, bien sûr, est d’envoyer la Police Montée du Nord-Ouest. Donc.

Angela Misri: Oui.

Jean Teillet: C’est ce qu’il se passe. Ils affament les gens. Ils leur volent leurs terres. Ils les empêchent de chasser. Ils envoient la police après eux afin de les empêcher de vivre et ils se retournent et leur reprochent de se rebeller contre l’autorité. Vous savez, c’est exactement ce qui s’est déroulé là-bas. Et je ne suis pas certaine d’avoir pris un meilleur chemin, d’avoir fait une meilleure déclaration ici.

Angela Misri: J’allais dire exactement la même chose.

Jean Teillet: Je ne crois pas qu’il y ait une meilleure façon. Je voulais simplement souligner le fait qu’il y avait des gens qui voyaient ce qui se passait et qui essayaient fort de faire changer les choses. Et comme Kitson, certains d’entre eux faisaient partie de la GRC. Je n’ai aucun doute qu’il y avait de bons hommes là-bas qui essayaient de faire les choses correctement. Mais la plupart d’entre eux suivaient les ordres, et comme c’est le cas encore aujourd’hui, je pense que la misogynie et le racisme sont trop profondément ancrés dans leur ADN pour disparaître par elle-même. Donc, comment est-ce qu’on, vous savez, je ne sais pas comment vous raconter une bonne histoire concernant la GRC ces temps-ci. Je ne sais pas comment vous pouvez le faire.

Angela Misri: Merci d’avoir écouté Voyages dans l’histoire canadienne – un balado financé par le gouvernement du Canada et créé par The Walrus Lab. Les archives sonores contenues dans cet épisode sont une gracieuseté des licences de CBC. Certains éléments sonores de cet épisode proviennent d’une bibliothèque de sons.

Comme tous nos épisodes, les transcriptions sont disponibles en anglais et en français. Pour lire les transcriptions, je vous prie de visiter thewalrus.ca/canadianheritage. Cet épisode a été produit par Caro Rolando et par Andre Proulx. Il a été édité par Nathara Imenes. Amanda Cupido est la productrice exécutive. Et – une note spéciale pour cet épisode – on retrouve son équivalent en français pour cet épisode!

Donc, si vous êtes bilingue et que vous souhaitez en entendre davantage sur l’histoire de Louis Riel et la GRC, rejoignez-nous sur le balado Voyages dans l’histoire canadienne. Pour plus de contenus à propos des grands jalons de l’histoire canadienne, visitez thewalrus.ca/CanadianHeritage.

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